On dirait vraiment le paradis – John Cheever

Les valeurs américaines

Lemuel Sears mène une vie paisible à Manhattan. Conscient de son vieillissement, il vit dans la crainte de ne plus jamais connaître l’amour. Un jour, il se rend dans la petite ville de Janice pour patiner sur l’étang et découvre que celui-ci est utilisé comme dépotoir. Révolté, il entame une procédure judiciaire pour rendre à Janice son paysage bucolique. Entre politiciens véreux et mafiosi, Lemuel Sears croisera la route de femmes et d’hommes à la recherche, comme lui, d’un peu de beauté.

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Premièrement, il ne faut pas se  fier à cette quatrième de couverture qui, tout en respectant le secret de la magie de ce livre, n’incite pas du tout à l’ouvrir. Du moins, moi, je n’en avais pas envie. Mais bon littérature américaine mon amour, je ne passerai pas à côté d’un de tes auteurs. Et donc comme bien souvent cette littérature américaine a triomphé.

Un homme, résidant à New York, conscient du changement de génération qui s’opère autour de lui est attristé par la perte de certaines valeurs, essentielles à ses yeux.   Lemuel Sears est un homme sans âge. Décrit comme « âgé mais toujours en pleine possession de ses moyens », Sears mêlera au cours de ce récit ses nombreux souvenirs de différentes époques et ses ébats actuels avec une jeune femme rencontrée à la banque, sa dernière chance d’aimer. Au cours de ces pages, Sears aimera un étang, une femme, un homme, se questionnera sur sa sexualité, sur son besoin d’aimer, se battra pour quelque chose qui lui tient à cœur tout en se remémorant   les souvenirs de ses vies passées. Le tout raconté avec un humour fin et désopilant.

C’est un livre qui se lit avec plaisir. L’écriture de Cheever est dynamique, sensible et surtout dotée d’une ironie mélancolique délicieuse. La singularité de chaque personnage, tous loufoques et pourtant tellement commun, porte vraiment ce livre. Réel témoignage sur cette époque à cheval entre les 70’s et les 80’s, cette difficulté d’adaptation à ce monde en mutation. Sears et d’autres personnages se battent pour sauver une parcelle de ce qu’ils ont connu afin de conserver ce paradis vivant – qu’il soit dans le lac, l’amour ou la famille – et ne surtout pas en être exclu.

Cheever, je te relirai.

Folio. 132 p.
Traduction de Lætitia Devaux

Mariages et Infidélités – Joyce Carol Oates

Challenge La nouvelle

« Dans ce recueil de dix nouvelles, Joyce Carol Oates porte son analyse sur le terrain du couple déjà formé et déjà séparé, dans les lendemains de l’amour. Là se manifestent d’autres forces qui, pour être plus sournoises, n’en sont pas moins meurtrières. Paradoxalement, ce n’est pas l’histoire des rapports entre les membres du couple qui intéresse la romancière. Le mariage n’est  pris par elle que comme une situation de fait, une donnée de base, un prisme à travers lequel se révèlent des conflits, des « infidélités » dont la source est à chercher ailleurs. »

Extrait de la préface de Claire Malroux

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Première lecture de cette auteure si appréciée sur la blogosphère littéraire.  Commencer par des nouvelles n’est peut être pas le choix le plus judicieux, toutefois ce livre m’intriguait. Mariages et Infidélités regroupe dix nouvelles de l’écrivaine américaine. Si la première nouvelle m’a enchanté, il m’a été plus difficile d’accrocher aux autres du recueil. La première nouvelle, Un mariage sacré, la plus longue du recueil, met parfaitement en place un univers mêlant mélancolie et exaltation et m’a donné l’envie que ce recueil de nouvelles se transforme en roman et ne conserve que cette histoire.

Pourtant chaque nouvelle a une fin. C’est donc intriguée que j’ai continué cette lecture. Premier constat, les autres nouvelles du recueil sont beaucoup plus sombres. Chaque nouvelle met en scène un personnage en prise à une dépossession de sa vie personnelle, de ce qu’il est, doit être, aspire à être : la femme mariée qui vit en banlieue finit par haïr son enfant ; le père divorcé, découvrant qu’il ne peut pas aider son unique enfant par incompréhension et par lâcheté ; la femme adultère qui décide de revenir vivre avec sa famille après quelque mois passé avec son amant,…

Une chose est sûre, aucune nouvelle n’est joyeuse. Cette ambiance assez lourde a eu raison de mon enthousiasme à la lecture : j’ai passé environ une semaine à regarder le livre fermé, sans désirer l’ouvrir alors qu’il ne me restait plus qu’une seule nouvelle à lire.

Je ne lis pas beaucoup de nouvelles. Hormis les recueils lus de Fitzgerald, ma culture « nouvellesque » est assez plate. Et ce que je pensais aimer d’une manière générale avec ce genre – découvrir une histoire sans début défini et ne pas forcement connaître la fin, juste partager un moment de vie  –  je ne l’ai pas retrouvé dans ce recueil.  J’ai été frustrée dans cette lecture dans le sens où j’avais envie que les nouvelles soient plus détaillées, d’en savoir plus sur les personnages, continuer à avancer dans cet univers, qui est certes sombre, mais non dépourvu d’intérêt.

Le lecteur est happé dans un cercle de souffrance étrange et désagréable et la brièveté du récit accentue ce malaise, ne permettant pas d’avoir assez de recul pour ne pas être affecté par la teneur des histoires.

Mariages et Infidélités est une lecture déstabilisante, toutefois le génie de Joyce Carol Oates m’apparaît clairement, et lorsqu’une lecture est éprouvante au niveau du ressenti je ne peux que m’incliner devant la force de cette écriture qui a su provoquer quelque chose en moi.  Joyce Carol Oates je ne manquerais pas de lire un autre de vos livres (oui, oui, elle va me lire, c’est sûr…)

Lu dans le cadre du challenge La nouvelle organisé par Sabbio

Simetierre – Stephen King

Si vous avez peur des chats

Louis Creed, un jeune médecin de Chicago, vient s’installer avec sa famille à Ludlow, charmante petite bourgade du Maine. Leur voisin, le vieux Jud Grandall, les emmène visiter le pittoresque vieux « simetierre » forestier où des générations successives d’enfants de la localité ont enterré leurs animaux familiers. Mais, au-delà de ce « simetierre », tout au fond de la forêt, il en est un second, et c’est un lieu imprégné de magie qui vous enjôle et vous séduit par de mystérieuses et monstrueuses promesses. Bientôt, le drame se noue, et l’on se retrouve happé dans un suspense cauchemardesque, tellement affreux que l’on voudrait s’arracher à cette lecture…

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J’ai voulu lire quelque chose pour me faire peur, un livre qui m’empêcherait de me coucher sereinement sans avoir fait le tour des pièces. Par conséquent j’ai pensé à Stephen King. Sauf que cet auteur est excessivement prolifique et que tous ses romans ne doivent pas être de qualité égale. C’est grâce à Mazel que j’ai jeté mon dévolu sur Simetierre dans l’espoir de frissonner un peu (ma lecture s’est faite en pleine période d’Halloween, le marketing a gagné…).

Alors est-ce que c’est « tellement affreux qu’on voudrait s’arracher à cette lecture » ?. Et bien oui, un peu. Tout commence à peu près bien, une nouvelle famille, charmante et américaine jusqu’au bout des ongles s’installe dans cette grande maison longeant une sorte de départementale. Le lieu semble idyllique mais il y a double danger : la route et cette immense forêt adjacente à leur propriété qui semble dégager un étrange pouvoir…

Raconter toute l’histoire du livre reviendrait à le gâcher  étant donné que l’on ne lit pas Stephen King pour son style mais pour les rebondissements. En tout cas si vous avez peur des chats, il se trouve dans ce livre le chat le plus affreux du monde,  vicieux, sournois, méchant et complètement répugnant.

Donc oui j’ai voulu m’arracher à la lecture parce qu’à partir d’un certain moment ça devient franchement glauque, ça s’éloigne même de l’éthique. Par contre, j’ai dormi sur mes deux oreilles car, heureusement, je n’ai pas de chat chez moi, sinon l’angoisse du regard vert et perçant m’aurait obligé à enfermer la bête dehors (mais elle parvient toujours à rentrer).

Quoi qu’il en soit, mon premier Stephen King lu ne se conclut pas sur une déception ou une découverte incroyable. C’est sympathique. Au niveau du rythme c’est les montagnes russes : du haletant au soporifique. La façon dont King fait monter le suspense est classique mais efficace : tout va bien, le héros se brosse les dents, le lecteur ne s’attend à rien et la page suivante c’est l’horreur et l’hémoglobine.

Une lecture qui vide l’esprit et qui pourrait déclencher une phobie féline.

475 p.

Extrêmement fort, incroyablement près – Jonathan Safran Foer

L’apprentissage du deuil

Quatrième de couverture :

Oskar, 9 ans, est surdoué, ultrasensible, fou d’astrophysique, fan des Beatles et collectionneur de cactées miniatures. Son père est mort dans les attentats du World Trade Center en lui laissant une clé. Persuadé qu’elle expliquera cette disparition injuste, le jeune garçon recherche la serrure qui lui correspond. Sa quête désespérée l’entraîne aux quatre coins de la ville où règne le climat délétère de l’après 11 septembre.

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– Il y a des romans tellement beau et poignant que n’importe quelle critique élogieuse risquerait de créer une attente chez des futurs lecteurs et de gâcher leur plaisir futur.

C’est le cas pour ce livre, mais je prends le risque.

Un livre qui m’a bouleversé. Il bouleversera d’autres gens et certains personnes passeront à côté, mais tentez votre chance.

Si vous ne l’avez pas encore lu : Demandez le à votre anniversaire, à Noël, juste comme ça, empruntez le à la bibliothèque, volez-le à quelqu’un dans le métro.

 Résumer l’histoire viendrait à banaliser ce récit. Le livre de JSF est avant tout un livre d’émotion, de poésie à la Prévert, d’humanité.

Voilà, j’en ai déjà trop dit.

Du beau génie. –

Voilà ce que j’ai écrit juste après avoir fini le livre les larmes aux yeux.  J’ai sorti le grand jeu très solennel dans ma critique immédiate, mais deux semaines après la lecture, j’en garde un excellent souvenir. Ce livre fait définitivement parti de ceux qui marquent un lecteur et l’accompagnent longtemps après la lecture.

Donc non, je n’en dirais toujours pas plus, parce que pour une fois, je n’en ai pas envie.

Chez Points

512 pages

Moby Dick – Herman Melville

L’indigestion maritime

Considérez le cannibalisme universel de la mer, dont toutes les créatures s’entre-dévorent, se faisant une guerre éternelle depuis que le monde a commencé.

Considérez tout ceci, puis tournez vos regards vers cette verte, douce et très solide terre ; ne trouvez-vous pas une étrange analogie avec quelque chose de vous-même ?

Car, de même que cet océan effrayant entoure la terre verdoyante, ainsi dans l’âme de l’homme se trouve une parts par toutes les horreurs à demi connues de la vie. Ne poussez pas au large de cette île, vous n’y pourriez jamais retourner.

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15 Juillet – 11 Septembre. C’est le temps qu’il m’aura fallu pour venir à bout de ce mastodonte littéraire.  C’est une très longue période de lecture pour un seul livre. 

Le nombre de page ne pourrait expliquer ce gouffre temporel. Il ne s’agit pas non plus d’un manque de temps personnel à consacrer à la lecture (même si je n’ai pas eu de « vacances lecture », pas le temps). Non, cela m’a pris autant de temps pour une raison simple :  la longueur et l’ennui de certains chapitres du livre.

 Herman Melville (1819 -1891) publie Moby Dick en 1851. Récit relatant l’aventure d’Ishmael, jeune matelot rêveur et intrépide, s’engageant à bord du baleinier Le Péquod pour un voyage de trois ans dans les mers du globe. Très vite, Ishmael s’interroge sur la nature du capitaine du Péquod : mystérieux et invisible durant la première partie du voyage, sa réputation le précède, et son isolement dans sa cabine se fait sentir auprès des hommes de l’équipage.  Lorsque le capitaine Achab entre en scène, l’expédition du Péquod prend une toute autre tournure pour tous les matelots : l’équipage devra certes chasser les baleines mais devra avant tout se concentrer sur une baleine en particulier, celle responsable de la mutilation du capitaine Achab : Moby Dick, la baleine blanche, connue pour sa violence et son intelligence.

Tout au long du récit, le lecteur suit l’équipage du Péquod dans son quotidien : la chasse aux baleines, la récupération de son huile précieuse, la vie à bord du bateau, l’angoisse ou l’incompréhension des matelots face à cette vendetta souhaitée par leur capitaine qui semble chaque jour plus proche de la folie.

Si Ishmael est le narrateur, le personnage principal du récit est sans conteste la baleine blanche, hantant l’esprit d’Achab, terrorisant l’équipage à mesure que les histoires de combats sanglants et mortels leur parviennent au gré de leur rencontre avec d’autres navires. Moby Dick est indéniablement reliée au personnage d’Achab. La folie du capitaine est un élément majeur du récit, le lecteur se demande au premier abord si la description du colosse que fait Achab est disproportionnée ou si ce monstre des mers est vraiment aussi terrifiant qu’on le dit.

Si l’auteur s’était tenu à narrer l’histoire  du Péquod, Moby Dick ne m’aurait pas pris deux mois à lire. Herman Melville mêle à la fiction de (très) nombreux chapitres sur la morphologie du cétacé (la bouche, la queue, l’estomac…) mais aussi sur la technique de la chasse à la baleine, l’extorsion de l’huile, l’histoire de la chasse à travers les siècles et les pays,  la différence entre certains poissons. Bref, beaucoup, beaucoup, beaucoup de chapitres qui m’ont complètement perdu, malgré moi. De plus, la psychologie des personnages n’est pas assez développée. Si Ishmael est un personnage à part entière avant d’embarquer sur le Péquod, il disparaît progressivement derrière les connaissances énormes de Melville sur les baleines, donnant ainsi la sensation de ne plus avoir affaire au narrateur mais directement à l’auteur.

Ma lecture a donc été « forcée », j’ai oublié durant ce laps de temps qu’on pouvait aimer lire et passer un bon moment avec un livre (lors des chapitres didactiques). Pourquoi m’être accrochée ? Tout simplement parce que ce livre a été le premier choix d’un club littéraire que quelques amies et moi même avons fondé. Je suis la seule à l’avoir fini. (Et je m’en vanterai éternellement).

Bon, au moins, je l’ai lu, et j’en profite pour rayer son nom de mon challenge les 50 livres qu’il faut lire

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731 pages – Folio Classique