Truismes – Marie Darrieussecq

 » Le directeur a été très gentil avec moi le jour de mon embauche. J’ai eu la permission de gérer ma parfumerie toute seule. Ça marchait bien. Seulement, quand les premiers symptômes sont apparus, j’ai dû quitter la parfumerie. Ce n’est pas une histoire de décence ni rien ; c’est juste que tout devenait trop compliqué. Heureusement, j’ai rencontré Edgar, et Edgar, comme vous le savez est devenu président de la République. C’était moi l’égérie d’Edgar. Mais personne ne m’a reconnue. J’avais trop changé. Est-ce que j’avais raté la chance de ma vie ? En tout cas, je ne comprenais toujours pas très bien ce qui m’arrivait. C’était surtout ce bleu sous le sein droit qui m’inquiétait… »

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J’ai pris ce livre intriguée par cette histoire de femme qui se transforme en truie. J’aime les histoires de métamorphose, par conséquent, ce livre devait être lu. La narratrice, déjà transformée en truie, décide d’écrire son incroyable histoire.

La transformation de cette jeune femme s’est faite progressivement. Tout d’abord elle prend un peu de poids. Cette prise de poids est harmonieuse et son corps ne laisse alors personne indifférent : elle est appétissante et tout le monde souhaite en avoir un peu. Elle trouve du travail dans une parfumerie qui s’avère être plus proche d’une maison close que de Sephora. Le temps passe, les clients sont ravis, elle rencontre un jeune homme avec qui commence une histoire d’amour, tout va pour le mieux. Mais cette prise de poids ne s’arrête pas, et la jeune femme passe d’appétissante à repoussante. Tout s’effondre, elle perd son travail, son compagnon, son toit, et petit à petit son apparence humaine.

Et tout  part alors en sucette.Le livre qui flirtait déjà avec le malsain se vautre dedans. Les politiciens sont immondes, les hommes en général n’ont plus aucune morale ou retenue, et cette pauvre femme-truie se retrouve bien souvent dans des situations dégradantes, sans avoir trop l’air de s’en offusquer.

Si j’ai apprécié le récit  sur cette transformation animale qui s’opère, j’ai lu le reste de l’ouvrage en me demandant exactement ce que j’étais en train de lire. C’est un livre violent. Ce que dit l’auteure est intéressant mais personnellement je n’ai pas accroché à ce livre, que ce soit l’histoire ou le style. C’est une expérience de lecture, un livre court qui dérange lorsque qu’on le lit mais qu’on oublie bien vite (j’ai, par exemple, complètement oublié la fin du livre).

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Truismes – Marie Darrieussecq
Publié en 1996, édition de 2008
Folio
148 p.

Attentat – Amélie Nothomb

Epiphane Otos serait-il condamné par sa laideur à vivre exclu de la société des hommes et interdit d’amour ? Devenu la star – paradoxale – d’une agence de top models, Epiphane sera tour à tour martyr et bourreau, ambassadeur de la monstruosité internationale…. et amoureux de la divine Ethel, une jeune comédienne émue par sa hideur. 

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J’ai vaguement souvenir d’avoir lu il y a quelques années un livre d’Amélie Nothomb mais impossible de me souvenir  du titre  et encore moins du sujet. Je cherchais un livre à lire en un après-midi, on m’a mis celui-ci entre les mains, je me suis donc attelée à la lecture de mon « deuxième » livre de l’auteure.

Le sujet m’a plu : un homme, incroyablement laid, aussi bien de corps que de visage, tombe amoureux d’une jeune comédienne en qui il voit la plus belle femme du monde. Epiphane devient ami avec elle, mais n’ose pas lui avouer son amour, de peur de perdre la belle. A presque trente ans, Epiphane n’a jamais travaillé, grâce à un héritage. Mais l’argent vient à manquer et Epiphane se voit bien obligé de chercher un travail, en n’ayant bien évidemment aucune expérience professionnelle. Alors lui vient l’idée de postuler dans une agence de mannequin : il serait la laideur qui viendrait rehausser la beauté. Epiphane devient mondialement célèbre, parcourt le monde entier mais n’oublie pas son amour pour Ethel, avec qui il continue d’entretenir une solide amitié. Mais la belle s’amourache d’un autre, et Epiphane ne peut qu’assister à l’éloignement de son amour, à moins d’oser un jour tout lui avouer…

Il est question de norme : qu’est-ce que la beauté ? Est-ce réellement celle de l’intérieur alors même que Epiphane – qui se moque pourtant de Quasimodo aimant la belle Esméralda –  tombe amoureux d’une belle femme et n’accorde aucun regard, voire des propos violents, aux femmes laides ?

C’est un livre sympathique, intéressant. Toutefois, la profusion de références littéraires ou autres sont un poil fatigantes et ne sont, la plupart du temps, pas nécessaire.  C’est donc un avis mitigé. Le livre est court et se lit en très peu de temps, il n’y a pas de longueurs et le sujet est bien traité. Mais je pense que cette brièveté du récit est idéale, un roman plus long serait sans doute indigeste.

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Attentat – Amélie Nothomb
Publié en 1997, édition de 2007
Livre de poche
152 p.

Le temps où nous chantions – Richard Powers

Tout commence en 1939, lorsque Delia Daley et David Strom se rencontrent à un concert de Marian Anderson. Peut-on alors imaginer qu’une jeune femme noire épouse un juif allemand fuyant le nazisme ? Et pourtant… Leur passion pour la musique l’emporte sur les conventions et offre à leur amour un sanctuaire de paix où, loin des hurlements du monde et de ses vicissitudes, ils élèvent leurs trois enfants. Chacun d’eux cherche sa voix dans la grande cacophonie américaine, inventant son destin en marge des lieux communs : Jonah embrasse une prometteuse carrière de ténor, Ruth, la cadette, lutte aux côtés des Black Panthers, tandis que Joseph essaye, coûte que coûte, de préserver l’harmonie familiale. Peuplé de personnages d’une humanité rare, Le temps où nous chantions couvre un demi-siècle d’histoire américaine, nous offrant, au passage, des pages inoubliables sur la musique.

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Messieurs-dames, quel livre ! Mille pages de voyage musical et temporel. Joseph, cadet de la famille mixte Strom nous narre son histoire. Celle de ses parents mais également celle des ses grands-parents, celle de son frère et de sa sœur. Une famille unie dans la musique mais déchirée à la mort de Delia, la mère. Suite à ce drame, la famille Strom ne parvient plus à se comprendre et Joseph tente, avec tout l’altruisme du monde, de recoller les morceaux. Double fantomatique de son frère Jonah, Joseph le suit corps et âme  dans sa carrière de chanteur de musique classique, au point d’en oublier sa propre personnalité et de mettre de côté son chemin de vie personnel.

Richard Powers nous fait vivre l’enfance de ces deux petits garçons, nés dans une famille où la musique est essentielle. Chaque jour, chaque geste, est chanté. Enfance difficile pour deux garçons métisse dans l’Amérique des années 40. Un roman fleuve nous permettant de vivre l’ambiance de l’époque : la fin de la seconde guerre mondiale, Hiroshima, les Black Panthers, l’évolution de la place des noirs dans la société américaine.

Si la narration passe d’une génération à une autre, la musique reste le fil conducteur, celui qui relie tous les membres de cette vaste famille, malgré leurs idéaux opposés.  A travers une simple famille, Richard Powers nous mène beaucoup plus loin et nous offre un vrai voyage dans le temps, peuplé de personnages mélancoliques, à la fois attachants et agaçants mais jamais manichéen.

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Le temps où nous chantions, Richard Powers
Publié en 2003, édition de 2008
10/18
1045 p.
Traduit de l’américain par Nicolas RIchard

Le mur invisible – Marlen Haushofer

Une catastrophe sans doute planétaire, mais dont l’origine chimique ou nucléaire restera indéfinie, va bouleverser l’existence d’une femme ordinaire. A la suite d’un concours de circonstances, elle se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s’être pétrifiée durant la nuit. Le chalet est confortable, équipé de provisions et des objets de première nécessité. L’héroïne, tel un moderne Robinson, va organiser sa survie en compagnie de quelques animaux familiers.

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Un livre sur la solitude,  la féminité,  la survie. Sur ce besoin de tenir malgré tout pour soi ou pour les autres. La narratrice  débute son récit dans un besoin de partage. Voilà  quelques mois que cette femme est seule, enfermée dans cette montagne par un mur invisible, monté au cours d’une nuit.   A bien y regarder, les animaux et les hommes se trouvant de l’autre côté du mur semblent figés, comme prisonniers éternels du temps.

Bien sûr la narratrice se pose beaucoup de questions sur la présence de ce mur, elle cherche un moyen de passer de l’autre côté, mais si passer de l’autre côté lui causait une mort immédiate ? Acceptant alors sa situation, la narratrice décide de vivre, en attendant d’éventuel secours. Accompagnée d’un chien, elle explore cette montagne et vient ajouter un chat et une vache à ses compagnons. Le lecteur suit la vie de cette femme avec ses mémoires, son histoire qu’elle décide d’écrire pour échapper à la peur, à cette solitude humaine.

C’est un livre étrange, une histoire étonnante et émouvante. Celle de cette femme qui doit réapprendre à vivre avec la nature, oublier la notion de temps ; de cette mère qui réfléchit sur sa vie désormais passée. Où trouver la force de continuer ? L’angoisse de vivre est-elle plus forte que celle de partir ? Comment réagir dans cette situation extrême ?

Beau portrait de femme, voire d’humanité.

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Le mur invisible, Marlen Haushofer
Publié en 1968, édition de 1992
Babel
321 p.
Traduit de l’allemand parr Liselotte Bodo et Jacqueline Chambon

Tokyo – Mo Hayder

Quand Grey débarque à Tokyo sans argent ni bagages, elle a beaucoup à prouver et encore plus à cacher…
Obsédée par un passé tumultueux, elle a quitté son Angleterre natale dans le seul but de retrouver un vieux film disparu. Ces images seraient l’unique témoignage visuel des atrocités commises par les Japonais à Nankin en 1937.
Un seul homme pourrait aider Grey. Un survivant du massacre, professeur à l’université Todai. Mais ce dernier, méfiant, refuse de répondre aux questions de la jeune femme.
Perdue dans une ville étrangère où elle ne connaît personne, Grey accepte un emploi d’hôtesse dans un club de luxe fréquenté par une clientèle d’hommes d’affaires et de yakuzas. Parmi eux, un vieillard en fauteuil roulant entouré de personnages terrifiants, et qui doit, paraît-il, sa longévité à un mystérieux élixir, qui suscite bien des convoitises…

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Rien ne me destinait à lire ce livre : pas fan des thrillers, quatrième de couverture qui ne me tente pas trop, pas spécialement intéressé par l’univers japonais.

Par conséquence il me fallait le lire afin de sortir un peu de mes préjugés sur les thrillers et d’en apprendre peut être plus sur la littérature japonaise. Première désillusion, l’auteure n’est pas japonaise, certes elle connaît le pays mais moi et mon envie soudaine d’en savoir plus sur la littérature japonaise pouvons aller nous recoucher.

Quoi qu’il en soit je démarre ce livre assez intriguée et avec une forte envie de me divertir.

Grosso modo, ce livre possède plusieurs points qui m’ont ravie.  Tout d’abord le cadre historique d’une partie de l’histoire : Nankin, ville chinoise, théâtre d’un massacre sanglant commis par l’armée japonaise en 1937. Nous suivons alors, au travers de journaux intimes, la vie  de Shi Chongming, résidant à Nankin durant les faits. Je ne connaissais absolument pas cette tranche d’histoire et suis donc ravie d’en avoir appris un peu plus grâce au travail de Mo Hayder, qui sous couvert d’écrire un polar, m’a semblé être plus intéressée par la dénonciation de cette barbarie.

Ensuite il y cette histoire qui découle du massacre. Une jeune anglaise, Grey, débarque à Tokyo pour y rencontrer Shi Chongming devenu vieux. Complétement obsédée par cet épisode macabre Grey fera tout son possible pour convaincre le vieil homme de lui montrer une vidéo prise à Nankin. Pour avoir accès à cette vidéo, Grey devra aider Shi Chongming et se retrouvera mêlée au monde de la nuit et des yakuzas.

 Ça se lit facilement, on est pris dans l’histoire, certains personnages sont clairement horrifiques et on ne se doute pas forcément de la fin. Une vraie ambiance malsaine découle de ce livre et le lecteur est sans cesse ballotté entre deux univers où l’horreur gagne un degré de chapitre en chapitre.

Pour l’histoire de Nankin et la retranscription du monde de la nuit de Tokyo je dis oui. Ce livre a rempli son pari de me divertir, je n’en demandai pas plus.

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Tokyo, Mo Hayder
2004
Pocket
473 p.
Traduction par Hubert Tézenas